Biographie :
Cécile Muhlstein est née en 1936 à Paris. Elle se dirige très jeune vers le dessin et la peinture et s’inscrit en 1956 à l’école des Arts Décoratifs. Elle a 29 ans lors de sa première exposition personnelle chez Karl Flinker. Les peintres du célèbre galeriste sont avant tout Autrichiens, Allemands, Tchèques, Polonais, Russes, Israéliens et Américains, et Cécile, très attachée à ses origines polonaises et très marquée par le New York si bigarré où, enfant, elle a trouvé un refuge pendant la guerre, se sent à l’aise dans ce cadre. Lorsque Flinker vend sa galerie à Daniel Gervis, ce dernier propose à Cécile de se joindre à son groupe d’artistes, ce qu’elle accepte bien volontiers. C’est la période des aquarelles abstraites.
Avec les premiers succès vient le plaisir de trouver d’autres publics et le désir de se renouveler. Au début des années 70, c’est la rencontre avec Carmine Siniscalco, le directeur de la galerie S à Rome, avec lequel elle se sent tout de suite en confiance. Ce sont des années fructueuses. Elle expose aussi en Israël, en Suisse, et régulièrement en province. Avec la série des collages aux monstres extravagants, sa vision comme sa technique se métamorphosent.
La lumière et les paysages la fascinent bien moins que la transformation, et lorsqu’elle voit en hiver à Torcello des sculptures emmaillotées contre l’érosion du gel et des vents porteurs de sel, un déclic se produit en elle qui va donner forme à une série exceptionnelle. Abandonnant la couleur et la liberté permise à la pure imagination, elle se consacre pendant plus de dix ans à de grands dessins envoûtants de facture très classique, plâtres de corps et de visages brisés, reconstitués et noués de linges ou de cordes, immobiles et apaisés comme des gisants du Moyen Âge. José Pichotin, le directeur de la galerie Visconti qui lui est présenté par son vieux camarade Joseph Alessandri, l’expose régulièrement à partir de 1983.
À partir de 1991, elle commence à être habitée par la hantise du visage, visages humains mais aussi visages d’animaux (car pour elle un animal aussi a un visage). Se renouvelant une dernière fois, elle crée un ensemble de portraits à la Clouet, des visages troubles, comme surgis d’un songe, produits de mystérieuses techniques aux coloris subtils, masqués sous les transparences superposées de papiers. Une rétrospective a lieu en 1998 à l’hôtel Estrine de Saint-Rémy-de-Provence, qui permet d’admirer sinon de comprendre le cheminement mystérieux qui la mène ainsi d’une obsession à l’autre pour se terminer par un silence résolu.
Cécile Muhlstein évoluait dans son monde propre. Disparue en 2007 à 70 ans, elle nous laisse une œuvre hors du commun.
Cécile muhlstein vue par… elle-même
« D’abord, approcher le plus près possible de ma peur, c’est-à-dire de l’obsession de ce qui existe mais que je ne vois pas. Voir derrière, dessous, dedans : habiter les choses. Pour y parvenir il faudrait partout creuser, écraser, fendre, arracher. Ensuite : mettre les yeux à l’intérieur. Qu’y a-t-il à l’intérieur de la terre ? Après quoi, regarder les choses changer. Dans l’eau, par exemple, l’objet qu’on plonge ne se modifie pas seulement par réfraction, il devient vraiment un autre. Les monstres, c’est ce qu’on trouve tout au bout de ces métamorphoses. On les peint pour s’inquiéter soi-même. Peindre des monstres, c’est voir jusqu’où l’on peut supporter d’aller. On a tous peur de quelque chose, mais de quoi ? Je ne le sais qu’en peignant. Il suffit de patienter : des réponses apparaissent. Si je me sens mal à l’aise, et davantage : perdue, angoissée, c’est que peut-être j’ai réussi à aborder là où je voulais.
Les gens sont enfermés dans de la peau. Il faut un accident pour voir par surprise à l’intérieur, et alors quelle frousse ! La terre est recouverte d’arbres, d’herbe. On marche dessus. Mais quand on marche on ne laisse pas seulement une trace de pas : on écrase quelque chose.Quoi ? Que se passe-t-il alors ? C’est cela que je voudrais peindre : ce qui se trouve au-dessous et à ras de terre. J’aime inventer des trous, des gouffres, et à l’intérieur d’eux encore des fentes, des déchirures. Je pense moins aux morts qu’à ce qui arrive aux morts une fois ensevelis. Quand ils sont moitié vivants dessus, moitié morts dessous.Cela aussi fait peur, mais j’aime vivre tout près de ma peur.
La peau, si vous l’arrachez, les corps deviennent comme des grillages de nerfs, des squelettes traversés d’air : c’est encore une façon de peindre. On ne voit qu’une toute petite partie du monde : la partie émergée. Les paysages, les gens, le bonheur et le malheur, trembler la nuit : on ne connaît de tout cela que les surfaces visibles. D’où ces besoins : envie de tout couper – pour voir –, envie de pénétrer, de creuser des mines, d’écarter les lèvres de la plaie. Si l’on pouvait s’installer dans son propre corps, tout y serait rouge, comme à l’intérieur d’un géant blessé. » (Cécile Muhlstein, 1966)
Extrait de Cécile Muhlstein, vue par… Actes Sud
Expositions personnelles :
1966 – Galerie Karl Flinker, Paris
1970 – Galerie Daniel Gervis, Paris
1972 – Musée d’Art moderne, Tel-Aviv, Israël
1974 – Galerie Studio S, Carmine Siniscalco, Rome, Italie
1976 – Galerie Noëlla Gest, Saint-Rémy-de-Provence
1977 – Galerie des Grands-Augustins, Paris
1978 – Galerie Mélisa, Lausanne, Suisse
1983 – Galerie Visconti, Paris ; Maison de la culture, Metz
1984 – Centre culturel français, Rome, Italie
1986 – Galerie Malaval, Lyon
1987 – Galerie Visconti, Paris
1988 – Institut français de Prague, République tchèque
1989 – Galerie Sordini, Marseille ; galerie Actes Sud, Arles
1990 – Galerie Visconti, Paris
1991 – Château d’O, Montpellier
1994 – Galerie Visconti, Paris ; galerie Hiroo, Tokyo, Japon
1998 – Musée Estrine, Saint-Rémy-de-Provence
Expositions de groupe :
1964 – Galerie Karl Flinker, Paris
1965 – Galerie Karl Flinker, Paris
1966 – Salon de Mai, Paris ; galerie Pilote, Lausanne, Suisse ;
Maison de la culture, Le Havre
1967 – « Nouvelle école de Paris » ;
Municipal Gallery of Modern Art, Dublin, Irlande
1968 – Galerie Daniel Gervis, Paris
1969 – Galerie Daniel Gervis , Paris ; « L’OEil écouté », Avignon
1970 – Galerie Daniel Gervis, Paris
1971 – Galerie John Craven, Paris
1972 – Galerie Mélisa, Lausanne, Suisse ;
galerie Odermatt, Paris
1973 – Galerie John Craven, Paris
1974 – « Petits formats », Iris Clert, Paris
1977 – Galerie Karl Flinker, Paris
1978 – Galerie Studio S, Carmine Siniscalco, Rome
1979 – Galerie Studio S, Carmine Siniscalco, Rome
1983 – Galerie Metastasio, FIAC ; galerie Daniel Gervis, Paris
1986 – Centre culturel coréen, Paris
1989 – Art 54 Gallery, New York, États-Unis ;
galerie Elaine Benson, Southampton, États-Unis
1990 – « Le Belvédère de Mandiargues », galerie Artcurial,
Paris ; « Au rendez-vous des amis », coll. Pierre
Hebey, galerie Enrico Navarra, Paris
1992 – « Les peintres du désir » et « Figuration de l’imaginaire »,
La Galerie, Paris
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